Jeudi dernier, salade russe au menu de France 2 : un portrait à charge de Vladimir Poutine, suivi d’un autoportrait plutôt flatteur de son lointain prédécesseur, Mikhaïl Gorbatchev.
Le système Poutine narre l’irrésistible ascension d’un petit lieutenant-colonel devenu Napoleonski. Certes, depuis 2008, il a dû se replier sur le poste d’hyper-premier ministre pour cause de Constitution (qu’il faudra songer à changer !). Mais l’an prochain, nul doute que Poutine sera candidat pour la troisième fois à la présidence, et celui qui se mettra en travers de sa route n’est pas encore né…
Toute la thèse qui sous-tend ce documentaire est là : Poutine est imbattable, parce que Poutine, c’est le KGB. C’est même ça, le “système” dont parle le titre : tout le pouvoir aux services secrets !
Vladimir le Terrible a pris la tête d’une oligarchie d’État prête à tout pour durer. Non seulement à éliminer une par une, à son profit, les oligarchies privées précédemment constituées ; mais aussi, plus généralement, à tout contrôler à tout prix – avec les inévitables dégâts collatéraux en matière de liberté d’expression…
Pour l’avenir, les auteurs de l’enquête ne cachent pas leur inquiétude : avec un type comme ça, croit-on comprendre, il faut s’attendre au pire. Jusqu’où ira donc le « maître de Moscou » ? Jusqu’à rallumer la guerre froide ? Pactiser contre nous avec l’Iran ? Relancer la “guerre des étoiles” ?
Tout ça est d’autant plus navrant, semble enchaîner le second documentaire, que cette dérive aventuriste et autoritaire aurait pu être évitée. Il eût suffi pour cela que Gorbatchev l’emportât.
Super Gorby se faisait fort de démocratiser l’Union soviétique sans que pour autant elle éclate naturellement. Et si ce rêve-là n’est pas devenu réalité, dit le rêveur, c’est la faute aux autres.
Il y avait bien sûr les ennemis de l’intérieur : cette espèce d’“establishmentura” en pleine mutation qui avait depuis longtemps perdu la foi et ne songeait qu’à sauver sa peau. Mais c’est surtout à ses faux amis de l’extérieur qu’en veut Gorby : « L’Occident m’a trahi ! », s’indigne encore ce visionnaire. Bref, s’il avait été seul, Gorbatchev aurait changé la face du monde…
Trêve de plaisanteries ! À voir les deux documentaires d’affilée, on finit par distinguer l’essentiel : ces deux politiciens soviéto-russes que tout semble séparer, des idées aux circonstances en passant par le tempérament, ont en commun un double héritage : le soviétisme et le patriotisme. Mikhaïl et Vladimir sont tous deux des “bébés Andropov”, constamment pistonnés par l’ancien patron du KGB. Et l’un comme l’autre affirment être, ou avoir été, au service non pas d’un dogme ou d’une coterie mais, je les cite, de la « Grande Russie ».
Ça me donne une idée ! Et si nous autres, l’an prochain, on profitait de la présidentielle pour se faire un bon débat gorbatchevo-poutinien sur la “Grande France” ?
Publié pour Valeurs Actuelles, le 12 Mai 2011