Décidément, les soirées d’élection présidentielle à la télé ne sont plus ce qu’elles étaient. Depuis 1974, on s’était pourtant habitué à ce rituel démocratique, où la tension ne cessait de monter jusqu’au compte à rebours dévoilant finalement la tête de l’heureux gagnant.
Dimanche dernier, ce suspense a été littéralement court-circuité par les réseaux sociaux : dès 18 heures, Twitter était inondé de messages à peine cryptés, genre “La petite ne grandira pas au Château” ou “Le flan à 52 % de matière grasse, ça va être dur à digérer !”.
À 18 h 50, c’est carrément l’AFP qui donne le nom du vainqueur – à ses seuls abonnés… Colère de Michel Field, en direct sur LCI, contre cette « tartufferie qui [leur] interdit de […] donner des chiffres qui circulent partout » !
La frustration et l’humiliation professionnelle sont trop fortes ! LCI, bientôt suivie par ses consoeurs, va se venger en contournant outrageusement la loi qu’elle n’ose pas enfreindre. « Nous ne pouvons rien vous dire, mais les images parlent d’elles-mêmes », annonce Field avec gourmandise en nous montrant, vingt minutes avant la “proclamation” des résultats, une place de la Bastille déjà noire de monde.
À force, n’importe quel téléspectateur d’intelligence moyenne comprend vite que Hollande a gagné – et même qu’il est aux alentours de 52 %, puisque les commentaires de tous les analystes tournent autour de ce chiffre magique.
Résultat : lorsque, à 20 heures pile, les “vraies” estimations arrivent, elles tombent un peu à plat, les invités politiques embrayant directement sur le “troisième tour”. Dès 20 h 15 la campagne législative commence, dans un grand fracas d’“éléments de langage”.
À gauche, on jubile ! C’est bien simple, “on n’a jamais vu ça !”, répètent-ils presque à l’unisson. « Depuis dix-sept ans ! », lance Benoît Hamon sur iTélé ; « vingt-quatre ans » renchérit Arnaud Montebourg sur France 2. « Ça fait trente et un ans ! », tranche le président élu, soulignant ainsi la filiation directe entre François Ier le Fondateur et lui-même, François II le Normal.
À droite, on se console comme on peut en insistant sur le “faible écart” qui scelle cette défaite. Il est vrai que la « stratégie très, très droitière » de Sarkozy, dénoncée par Caroline Fourest, n’a pas été sanctionnée par les électeurs, au contraire : dans les quinze derniers jours, l’écart s’est resserré entre les deux candidats.
Mais ça ne suffit pas à Éric Zemmour : « L’erreur de Nicolas Sarkozy est de n’être pas allé assez loin ! balance sur M6 ce provocateur. Il a perdu parce qu’il n’a pas tenu ses promesses envers l’électorat FN ! »
Jusqu’où Zemmour poussera-t-il le bouchon trop loin dans ses analyses sauvages – et toujours plus iconoclastes envers la droite qu’ironiques à l’égard de la gauche ? Pour les soirées électorales à venir, il nous restera toujours ce suspense.