Injuste, ce surnom attribué naguère à Hollande ? Caricatural, plutôt, tant il accentue un seul trait de sa personnalité – que François, pour sa part, préfère appeler « normalité ».
Incomplet, en tout cas : ses meilleurs ennemis, socialistes, l’appellent plus volontiers “l’anguille”. Qui est-il donc réellement, ce faux modeste qui prétend soudain à être président quand il n’a même pas été ministre ? Tel est le mystère qu’a voulu percer Canal Plus en nous entraînant, l’autre lundi, « dans l’intimité de François Hollande ».
À travers archives et témoignages – y compris de l’intéressé – , le documentaire dresse d’abord le portrait d’un anti-Sarkozy. Un politicien placide, limite effacé, modeste jusque dans ses ambitions.
Et pourtant, les faits sont là. Si ce type, quel qu’il soit, a une chance sur deux – voire cinquante-cinq sur cent, selon les sondages – d’être président dans trois jours, ce n’est sûrement pas par hasard ! Pour que la chrysalide se change ainsi en papillon, il a bien fallu qu’à un moment la chenille fasse son coming out du cocon.
À en croire ses amis, ça s’est passé il y a trois ans : « À partir de 2009, François fait de la politique pour lui. » Ensuite, tout va aller très vite. C’est un Hollande neuf, aminci et relooké, qui, le 31 mars 2011, annonce devant le Tout-Tulle pâmé sa candidature à la candidature…
À Paris, bien sûr, c’est une autre chanson et les sondologues lui prédisent un piètre score à un chiffre. Mais lui n’en a cure, habité déjà par son fameux slogan, « L’Élysée, c’est maintenant ! » Il l’explique lui-même : en 2007, il n’était pas mûr ; en 2017, il craint de passer déjà pour blet.
Porté par cette ardeur nouvelle, François devient un de ces audacieux à qui la fortune sourit. Un mois et demi après son entrée en lice, la chute de DSK transforme l’outsider en challenger sérieux de Martine Aubry – qu’il finira par distancer dans la dernière ligne droite.
La mue s’achève sous nos yeux au meeting du Bourget : François se voit désormais comme le successeur auto-investi de son homonyme Mitterrand. Il va jusqu’à mimer sa gestuelle, sa rhétorique et ses intonations lyriques. Écoutez son ego s’égosiller à la tribune : « Aujourd’hui, c’est MOI qui porte votre espoir ! C’est MOI qui va (sic) vous porter à la victoire ! »
Apparemment, ce grand timide a fini par maîtriser jusqu’à sa modestie. C’était juste une question de temps : François avait à gérer un petit problème de surmoi, comme diraient les derniers psys.
Une fois l’obstacle surmonté, le candidat « normal » n’a plus rien à envier, en fait d’ambition, à son adversaire.
Il vient de loin, savez-vous ? , ce Hollande sûr de lui et dominateur qu’on est en train de découvrir. Sa mère l’avait balancé naguère à Michel Drucker : « Petit, François disait souvent : “Quand je serai grand, je serai président !” »
Sarkozy peut aller se rhabiller, avec son rasoir ! Hollande, en couche-culotte, il y pensait déjà.
Publié pour Valeurs Actuelles, le 3 mai 2012