Le personnage principal des documentaires d’Olivier Delacroix, c’est lui-même. Un drôle de bonhomme, sorte de rejeton rasta d’Olivier de Kersauson, avec dreadlocks, visage buriné et regard bleu acier. D’ailleurs, le magazine s’appelle Dans les yeux d’Olivier.
Autant dire que le mec revendique une certaine subjectivité. La méthode Delacroix, en gros, c’est : J’y connais rien, et vous ? Si on allait voir ensemble ?
Mardi passé sur France 2, notre agnostique proclamé nous invitait ainsi à explorer avec lui les “mystères de la foi”– et ce fut intéressant, ma foi : raconté par ce “gentil”, le christianisme ne perd rien de son mystère, mais gagne en chaleur humaine.
Première rencontre à laquelle nous convie Delacroix : les parents du jeune Martin, assassiné sans raison valable par un videur de boîte de nuit. Un an plus tard, portés par leur foi, ils ont déjà pardonné au meurtrier ; visiblement, Olivier a du mal à comprendre ça, et moi aussi d’ailleurs.
Alain Noël, ancien PDG des Presses de la Renaissance, a tout plaqué sauf sa femme, puisque c’est avec elle qu’il a créé une communauté monacale laïque dans la campagne essonnienne, au sud de Paris. Le Larzac plus le Saint-Esprit !
Nathanaël, 28 ans, se fait ordonner prêtre – et acclamer à ce titre, avec une dizaine de collègues, sur le parvis de Notre-Dame, par 10 000 fidèles en liesse. Ça s’appelle la crise des vocations.
Pas le genre de truc à inquiéter Mgr Rey. L’évêque de Toulon, et intime du pape, explique que son job ne consiste pas à « conquérir des parts de marché » : la foi, dit-il en substance, est affaire de qualité et non de quantité. Moyennant quoi, le prélat mouille sa soutane. Il nous trimballe des bars “gothiques” de sa ville aux appartements personnels du souverain pontife – juste pour nous faire voir, « dans les yeux d’Olivier », l’étendue de son ministère.
Mais le plus beau moment de ce documentaire, c’est la rencontre avec les bénédictines de Notre-Dame-du-Pesquié, en Ariège. Elles sont cinquante, âgées de 21 à 96 ans. Mais curieusement, Olivier préfère s’adresser aux jeunes et jolies novices… La méthode a ses avantages, surtout à la télé, où il est souhaitable de montrer ce qu’on veut faire entendre.
S’il s’agit par exemple du sacrifice que constituent les voeux de pauvreté, de chasteté et de silence, qui écoutera-t- on le plus volontiers ? De vieilles “bonnes soeurs” lunettues et fripées, ou des jeunes filles en fleur, pommettes roses et regard rieur ? Eh bien, ce sont celles-là qui nous racontent, avec une joie profonde et légère, comment elles ont fait si tôt une Croix sur le Monde.
– L’amour d’un homme, ça ne vous manque pas ? , demande notre incrédule.
– J’ai le coeur beaucoup trop grand pour un seul homme, répond du tac au tac une de ces charmantes novices. Ou alors, il me les faudrait tous !
Une blague juvénile pour témoigner de l’éternité, qui dit mieux ?
Publié pour Valeurs Actuelles, le 14.04.2011