Décidément, l’été est en avance cette saison, y compris à la télé ! La semaine passée, on a vu coup sur coup deux magazines culturels fêter leur “dernière”.

Pour la Semaine critique ! de FOG, c’était même “la der des ders” : son émission “ne sera pas reconduite en septembre”, pas plus que celle de Guillaume Durand, ni le duo Zemmour-Naulleau chez Ruquier. Finalement, seul le mille-pattes Taddeï s’en sort, à peine amputé des trois quarts ! 

Rayon littéraire, que les fans de François Busnel se rassurent : sa Grande Librairie (France 5) ne ferme que pour l’été. Encore ne nous laisse-t-il pas partir sans biscuit ! Pour sa “dernière” à lui, il a convié écrivains et libraires à venir nous recommander – ou pas – quelques “classiques” à relire sur la plage – ou pas. Mais ce qui ressort de l’exercice, c’est moins une liste de courses qu’une galerie de portraits : comme dit à peu près Simon Leys, on en apprend plus sur les gens qui citent que sur les auteurs cités. Ainsi ai-je redécouvert, entre autres, Alexandre Jardin – décidément plus marrant quand il fait l’éloge de Churchill, ce « fou furieux », que quand il entreprend de maudire sa famille jusqu’à la septième génération à l’envers. Mais chez l’ami Busnel, les deux personnages les plus opposés par leurs visions de la littérature, c’était Benoît Duteurtre (photo) et Jean Teulé.

Ledit Teulé, c’est l’heureux auteur d’un best-seller intitulé Charly 9 (prononcez nine). Et son classique favori se trouve être celui de tous les lycéens et apparentés : l’Écume des jours. Et pourquoi, s’il vous plaît ? « Parce que c’est un livre jazz ! » Quand on peut dire ça, on peut dire n’importe quoi ! C’est d’ailleurs ce que fait volontiers Teulé pour vendre sa propre chef salad, à base de Charles IX, de Saint-Barthélemy et de folie. Faute de comprendre les événements qu’il raconte, ou même d’en éprouver le besoin, « Teulé plaque sur du tragique ses envies de truculence », comme l’écrit justement Raphaëlle Leyris dans le Monde des livres.

À l’inverse de ces fausses audaces, il y a chez Benoît Duteurtre une réserve de bon aloi. Ce type-là pratique comme personne le dissensus léger. Même envoyé au feu par l’animateur pour “balancer” des classiques surévalués, il pratique un élégant autodafé, non pas de Rimbaud mais de sesIlluminations.

Cette œuvre de « jeunesse tardive », explique en substance Duteurtre, rompt avec l’équilibre qu’Arthur avait su tenir jusqu’alors entre ses emballements poétiques et les règles de l’art. DepuisUne saison en enfer, il a cherché vainement à aller « plus loin » que ses premières intuitions, dans une obscure quête de l’incompréhensible.

Plutôt que l’incontournable « Che Guevara de la poésie », Benoît nous recommande donc d’emporter dans nos bagages d’été ce vieux réac de Marcel Aymé, « le plus grand nouvelliste du XXe siècle ». L’indépendance d’esprit ne s’achète pas, même sur les quais.

Publié dans Valeurs Actuelles, le 1er juin 2011

 

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