Comment un jeune Anglais apparemment sans histoires est devenu soudain islamiste, puis terroriste…

Filmée en temps réel par son propre frère, la dérive islamo-terroriste d’un jeune britanique de la classe moyenne : telle est l’histoire étonnante, et si révélatrice de l’époque, que racontait un documentaire inédit l’autre soir sur France Ô (pourquoi seulement France Ô ??)

Robb et Rich Leech, deux demi-frères, ont grandi ensemble dans une famille paisible, dans le sud-ouest de l’Angleterre. Tout au long de leur enfance et de leur adolescence, ils ont tout partagé : jeux, sport, musique, virées dans les pubs… Jusqu’à ce jour de 2009 où Rich a décidé de partir pour Londres. Quelques mois plus tard, Robb apprend sa conversion soudaine à l’islamisme radical. Rebaptisé Salahuddin, Richard a intégré un groupuscule extrémiste qui prône l’instauration de la charia au Royaume-Uni (et partout ailleurs…)

Pour tenter de comprendre ce changement à vue, Robb, qui s’est orienté vers le cinéma, va alors suivre son frère pendant un an caméra en main, s’immergeant dans son quotidien. Difficile pour lui, cependant, de reconnaître Rich admiré dans ce barbu à calotte et djellaba qui ponctue chaque phrase d’un invariable « Inch’ Allah ! », respecte à la lettre tous les interdits de l’islam le plus strict… et ne voit plus en lui qu’un vulgaire « kafir » (mécréant). Désormais, l’aîné ne touche plus son cadet que de la main gauche : « Je salue seulement mes frères musulmans de la main droite », s’excuse-t-il. Les « frères » ont remplacé le frère…

Robb ne peut que mesurer le fossé qui s’est creusé entre lui et « Salahuddin ». Pour le reste, au terme d’une année d’enquête, il n’est guère plus avancé ; par quel sortilège son frère est-il devenu en quelques mois non pas « un musulman ordinaire », mais un fondamentaliste fanatique ? Une seule certitude : ce Salahuddin-là s’est trouvé une nouvelle « famille », oÙ il n’y a guère de place pour les kouffar (pluriel  de kafir).

Après ce film diffusé par la BBC en 2011, Robb Leech ne pensait pas revenir sur l’affaire… Jusqu’à ce qu’un nouveau choc le décide à reprendre sa caméra : en avril 2013 Richard, soupçonné de vouloir partir faire le djihad en Afghanistan, est condamné en attendant à six ans de prison pour fabrication de bombes artisanales.

Le cinéaste veut comprendre cette nouvelle escalade, du fondamentalisme à la lutte armée ; mais son frère refuse désormais de le voir, avec ou sans caméra. Alors il retrouve ses anciens compagnons, et la mère d’un ado solitaire également emprisonné. Celui-là s’était « auto-radicalisé sur internet », au point de planquer des bombes de sa fabrication dans le frigo familial.

Quelles sont donc les motivations de ces jeunes Occidentaux même pas marginaux qui, de plus en plus nombreux, épousent les thèses du djihadisme, voire passent à l’acte ? Pour l’auteur des deux documentaires, « il n’y a aucune explication simple ». Aussi se rallie-t-il enfin de compte à celle d’Alyas Kharmani, psychologue et imam londonien, qui dédouane subtilement sa religion. Ce qui attire ces jeunes vers l’islamisme radical, explique-t-il en substance, c’est moins l’islam lui-même que la radicalité ; le ressort essentiel de leur engagement c’est l’absence de repères, la révolte à l’égard d’une société qui ne leur propose qu’une vie vide de sens.

Il n’a pas tout à fait tort, l’imam-psychologue, et à cet égard l’Occident ferait bien de battre sa coulpe, s’il n’était décapité. Reste que l’embrigadement volontaire dans une entreprise ouvertement mortifère, pour les autres comme pour soi-même, c’est bien l’islam qui le génère aujourd’hui.

Une religion où le même mot, « djihad », désigne au choix un travail spirituel intérieur ou la guerre sainte contre tous les infidèles de la Terre pèche, au bas mot, par ambiguïté. Pour la lever définitivement, après quatorze siècles, il faudrait au moins un ou deux « conciles », comme on dit par chez nous. Malheureusement, ce genre de happening n’est pas au programme du Coran.

 

[Publié dans Valeurs Actuelles]

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