Guillaume Gallienne et ses César : triomphe mérité pour un film moderne garanti sans poncifs modernistes !
Vendredi, 21 h. À l’instant où s’ouvre la cérémonie des César, diffusée en clair sur Canal plus, l’angoisse m’étreint. Et si se reproduisait le scénario catastrophe de l’an dernier, où le sinistre film de Michael Haneke, intitulé par antiphrase Amour, avait reçu la Palme d’or avant de rafler les cinq principaux César ?
Cette année, c’est la pénible Vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche qui débarque au théâtre du Châtelet, convenablement palmée à Cannes sous les ovations d’une critique quasi unanime. Du coup, je redoute un palmarès engagé qui, une fois encore, couronnerait moins une œuvre cinématographique qu’une « avancée sociétale. » Après la prime à l’euthanasie en 2013, pourquoi pas, ce coup-ci, un clin d’œil au lobby LGBT ?
Non que j’aie quelque chose contre l’homosexualité, même saphique ; il y a cent vingt ans déjà, Pierre Louÿs l’avait si joliment chantée… Mais notre élite artistique pourrait bien être tentée de couvrir Kechiche de statuettes rien que pour faire la nique aux « méchants » : ces hordes de parents à berceaux, forcément homophobes, qui n’en finissent pas d’occuper nos rues au nom de la filiation, de la famille et autres crispations passéistes.
En plaçant d’emblée cette soirée sous le signe des « sexualités différentes », la maîtresse de cérémonie, Cécile de France, ne fait qu’accroître encore mes appréhensions… Fort heureusement, elles vont être bientôt dissipées, au rythme où les récompenses pleuvent sur l’excellent Les garçons et Guillaume, à table ! Au bout du compte, Adèle devra se contenter d’un César du Meilleur espoir féminin, d’ailleurs rudement gagné paraît-il, pour l’interprète du rôle-titre.
Vous me direz, le film de Guillaume Gallienne aussi parle d’homosexualité ; mais tout est dans la manière. Ici, l’auteur tire une réjouissante comédie de cette quête d’identité dont « n’importe qui d’autre aurait fait un énième récit naturaliste sordide et plombant » (Laurent Dandrieu, Valeurs actuelles n° 4017).
L’histoire que nous conte Guillaume, tout ce qu’il y a de plus personnelle, se prête d’ailleurs mal aux généralisations idéologiques, surtout progressistes. Lors de la sortie du film, la critique avancée ne s’y était d’ailleurs pas trompée, qui lui avait trouvé un déplaisant arrière-goût réac.
« L’audacieux aujourd’hui, grinçait Télérama, c’est donc celui qui s’affirme hétéro au risque de contrarier maman… » Quant au Monde, sous un titre lourdement ironique (« Guillaume Gallienne ose le coming out hétéro »), il vitupérait la « morale » de l’œuvre dans ce jargon postmoderne qu’affectionnent ses pages Culture : « Un tel renversement renvoie l’acte d’émancipation dont il est la parodie (la revendication d’une homosexualité) dans les confins du politiquement correct. » Même sans tout comprendre, on sent que c’est méchant.
Au lendemain de la distribution des prix, le quotidien de référence se raccrochera quand même aux branches en parlant d’ « un palmarès évoquant la question du genre ». On se console comme on peut.
(Article publié dans Valeurs Actuelles)