TOPSHOT - A picture taken on February 19, 2018, shows French Jihadist Melina Bougedir carriyng hers soon arriving in court in the Iraqi capital Baghdad. Melina Bougedir, 27, was arrested last summer in former Islamic State group stronghold Mosul with her four children, three of whom have been repatriated to France. / AFP / STRINGER

« Toutes au cœur ont une rose »

 

L’affaire Ramadan

J’ai été assez étonnée, et bien seule à m’étonner, de voir avec quel unanimisme la presse a repris cette expression d’avocat : « fait évoluer sa version ». FranceInfo, L’Obs, le Parisien, le Huffington Post, Mediapart, la liste n’est pas exhaustive :

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Henda Ayari maintient son accusation à l’encontre de Tariq Ramadan : un viol avec violences multiples (étranglement, coups, crachats et morsures). Mais elle modifie le lieu et la date des faits qui se seraient déroulés, non plus début avril 2012 à l’Holiday Inn de la Gare de l’Est, mais plutôt fin mai 2012 au Crown Plaza de la Place de la République.

Autrement dit, Henda Ayari n’a pas « fait évoluer sa version » (quel serait d’ailleurs le sens de cette expression ?) ; elle a tout simplement « modifié sa version » des faits.

Ils sont plus rares, les médias qui ont choisi de présenter ainsi la chose. Sans surprise, on trouve Oumma.com :

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Il y a aussi RTL, Libé, et Europe 1 :

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Ou encore le Point, qui reprend toutefois dans le corps de l’article l’expression « fait évoluer sa version » :

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Certes, Henda Ayari n’est pas la seule à accuser Tariq Ramadan d’agression sexuelle. Mais elle est la première des plaignantes, celle qui a déclenché les autres plaintes. Sa maladresse sème le doute sur sa sincérité et pourrait déstabiliser toute l’accusation. Je suis peut-être islamophobe mais je ne suis pas Tariq-Ramadanophobe et, pour ma part, je ne vois pas pourquoi on partirait du principe que ce monsieur est coupable. La présomption d’innocence n’étant pas faite pour les chiens, le parti pris des médias en faveur de la présumée victime est regrettable.

En outre, on ne sait pas pourquoi Henda Ayari a choisi de modifier sa version. Les articles ne le précisent pas et ne soulèvent pas même le problème.

En revanche, quand Tariq Ramadan avait dû revoir sa version, il était clairement indiqué partout que c’était à la suite de la découverte d’éléments à charge : « Face à ces éléments, le théologien a été contraint, fin avril, de faire évoluer sa défense et de reconnaître au moins une relation sexuelle avec Marie » (Libération) ;  « Il pourrait être contraint de reconnaître une relation sexuelle avec une des plaignantes  » (Europe1-le JDD). On ne dit jamais que Henda Ayari a été contrainte de revoir sa version. Il est pourtant évident que, cette modification fragilisant sa crédibilité, elle n’aurait pas pris le parti de changer le contenu de sa plainte si elle n’y était contrainte par la découverte d’éléments d’enquête rendant sa version initiale peu vraisemblable.

Djihadiste malgré elle

La deuxième sainte femme récemment canonisée par les médias s’appelle Mélina Boughedir.

Il y a ce qu’on nous rabâche : « jeune mère de famille », « son enfant dans les bras », « une cage en bois au milieu de la salle d’audience », « procès n’a duré qu’une heure », etc. et les citations larmoyantes qui ne prouvent rien mais qui, à l’instar du célèbre « ne cesse de clamer son innocence » sont censées lourdement suggérer que la personne n’est pas coupable :

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BFMTV

Comme toujours, il faut prêter attention aux éléments physiques ou vestimentaires sélectionnés par les journalistes. L’allusion au « foulard violet fleuri » heurte implicitement l’image de la salafiste en burka et a vocation à stimuler l’empathie.

Et il y a les autres informations, qu’il faut aller pêcher :

Le dossier de Mélina Boughedir, que seul son avocat irakien a pu lire, est épais. Dans les dizaines de pages se trouvent des rapports d’interrogatoires des forces antiterroristes irakiennes, mais aussi d’enquêteurs français venus sur place à l’automne dernier.

Une photo pèse particulièrement lourd : on y voit la Française, tout sourire, faire le « V » de la victoire dans un blindé, alors qu’elle vient d’être arrêtée en pleine bataille de Mossoul. Des soldats racontent qu’elle psalmodiait des messages de soutien à Daesh. (RTL)

 

D’autant plus que des sources irakiennes, citées par l’agence Associated Press, affirment qu’elle était membre de la Hisba, la police morale de Daesh. (CNews)

L’argument selon lequel le premier procès n’a pas retenu le terrorisme parmi les chefs d’accusation (7 mois de prison pour entrée illégale sur le territoire irakien) semble indiquer que la condamnation en appel ne repose sur aucun élément nouveau, donc sur rien. Le tribunal aurait été influencé par les propos que l’on sait de Jean-Yves Le Drian :

Madame Boughedir est une combattante. Quand on va à Mossoul en 2016, c’est pour combattre et donc elle est jugée sur les lieux de ses exactions. C’est la logique normale. Elle a combattu contre les unités irakiennes, elle est jugée en Irak

Le juge irakien y aurait vu une incitation à la sévérité. Mais… et si c’était l’inverse ? Et si le premier jugement avait été dicté par une prudence laxiste causée par un souci purement diplomatique ?

Nous sommes très forts pour donner des leçons au monde entier, mais peut-être pourrions-nous, avant de déplorer que dans le contexte de sa libération, l’Irak pratique une justice expéditive, nous rappeler humblement que lors de la Libération, chez nous, dans de nombreux cas, il n’y eut pas de justice du tout. Pas de « dossier épais », pas de dossier du tout ; pas de « rapports d’interrogatoires », aucun interrogatoire.

16 commentaires

  1. Fariner légèrement les tranches d’ « osso buco ».
    Couper les oignons, le céleri et les carottes en petits dés.
    Éplucher l’ail, couper les gousses en 2 puis les dégermer.
    Colorer les tranches d’« osso buco » dans un fond d’huile d’olive, dans une cocotte, puis les réserver au chaud.
    Faire revenir les légumes dans la matière grasse de cuisson des jarrets de veau, ajouter de l’huile si nécessaire.
    Déglacer avec le vin blanc, porter à ébullition et laisser réduire au 2/3.

    Ajouter une brindille de thym, une feuille de laurier et la moitié du fond de veau.
    Porter à ébullition et ajouter les tranches de viande.
    Couvrir et faire cuire à couvert et à feu doux environ 45 minutes.
    Retourner une fois la viande durant la cuisson et ajouter le fond de veau restant.
    Hacher finement un peu de persil, 1 gousse d’ail et 1 lanière de zeste de citron pour obtenir la « gremolada ».
    Cette sauce est ajoutée à l’ « osso buco » en fin de cuisson.
    Saupoudrer de persil haché au moment de servir.

    • Jean/Pierre-Jean, vous voulez donc manger Mélina Boughedir après l’avoir préparée comme un osso buco ? C’est un peu étrange.

  2. Chère Ingrid,

    Je ne sais pas si toutes les femmes ont une rose au cœur… mais, à la lecture de vos articles, je me dis que vous, vous avez un diamant, celui de la logique.

    Je vous souhaite une belle journée.

  3. La presse est réduite à se commenter elle même, un auteur que vous connaissez bien, en 1967, parlait de « La société du spectacle » (1) en disant que la fiction avait remplacé le réel.
    Mme Mélina Boughedir, femme adulte, mère de 4 enfants (?), partie volontairement en zone de guerre avec ses marmots mener un combat qu’elle fait sien en toute conscience.
    Devant les faits, qui ne peuvent être présenter comme tel, sinon à condamner Mme Mélina Boughedir pour acte de terrorisme et la passer par les armes, il faut réinventer une histoire. Le navrant c’est que la greffe prenne dans une partie de « l’opinion »… autre mot délicieux qui à lui seul révèle la matrice.

    Mme Mélina Boughedir pose divers problèmes à notre société.
    Tout d’abord d’être une femme, qui suit un homme dans un autre pays, qui est d’évidence une mauvaise mère pour traîner ses enfants dans une telle aventure guerrière. Tout ceci contrevient aux thèses féministes du moment. Dès lors, il faut la faire passer pour une folle ou la défendre en réinventant le réel, le deuxième choix permettant de rester dans la « norme ».
    Tout comme le fait, que le départ de ces combattants qui s’en vont mener une guerre de religion, fait apparaître la réalité de l’Oumma, monde sans frontière qui n’a que faire de nos démocraties et dont il ne se passe pas un jour sans que l’on nous répète que l’islam est parfaitement compatible avec nos sociétés.
    Tout ceci fait tache, nous préférerons donc condamner Salman Rushdie, qui lui n’a écrit qu’un livre…

    La prochaine fois, si vous le permettez, je vous donne une recette de risotto… Même à Naples, Sorrento, Amalfi, ni nulle part en Italie, vous n’en mangerez de meilleur.

    (1) sa thèse 4 : « Le spectacle n’est pas un ensemble d’images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images ».

  4. Se tromper dans un témoignage est une grave stupidité: ça fragilise le plus certain.
    Mais dans un viol, en particulier, le ressenti n’est-il pas largement prioritaire sur les circonstances annexes de lieu ou d’heure?
    Alors où exactement importe peu. Ni quand. Mais comment ? Là est la question et la seule vraie justification de la sanction.

    • Hannibal…

      Contrairement à ce que vous semblez penser, le code pénal est d’interprétation restrictive (et heureusement d’ailleurs). Pour les non-juristes, je vais l’expliquer en bon français: le doute bénéficie à l’accusé. Donc non, là n’est pas « la seule vraie justification de la sanction ».

      Vous savez, une sombre histoire de ne pas voir un innocent croupir en prison au motif des déclarations fantaisistes de Pierre, Paul ou Jacques. Car un ressenti, ça évolue, alors que des faits sont des faits.

      Et avant que vous me disiez « non mais on ne peut pas douter », allez donc vous renseigner sur ce qu’a été Outreau, et sur les vies gâchées par un système porteur de votre idéologie irrationnelle.

      Bonne journée.

        • Cher Joseph,

          Ce n’est pas de ma faute, j’ai hérité du syndrome du Saint Bernard…

          Je vous souhaite une belle journée.

      • « où exactement importe peu. Ni quand. Mais comment ? Là est la question et la seule vraie justification de la sanction. »
        Quand on parle de « comment » a eu lieu tel ou tel fait, on parle encore des faits, ne vous déplaise. Avant de pérorer en faisant semblant d’en savoir tellement plus que les autres, il faudrait savoir lire.

        • A.,

          C’est vous qui semblez avoir un problème avec la lecture.

          « le ressenti n’est-il pas largement prioritaire » est une phrase parfaitement claire. Le fait qu’il se soit contredit à la phrase suivante n’engage qu’Hannibal, et le fait que vous ne lisiez que ce qui vous arrange illustre bien la vacuité de votre raisonnement, et de la leçon que vous avez tenté de me donner.

          Belle journée.

          • Eh bien, maintenant vous avancez qu’Hannibal se contredit. Se contredire, c’est ne rien dire de sensé (même faux) : ne répondez pas alors comme s’il l’avait fait !
            Bonne journée.

          • Et le fait que je lise ce qui m’arrange n’enlève rien au fait que ma citation, contrairement à la vôtre, est exacte.
            On appelle ça le principe de charité.

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