René-Antoine Houasse (1645-1710), Minerve naissant toute armée du cerveau de Jupiter, c.1687

J’ai dans mes archives un roman « pédagogique » absolument fini que l’on m’a déconseillé de proposer à qui que ce soit, tant, paraît-il, le mépris y affleure partout — et que l’aspect réactionnaire de ma pédagogie s’y étale avec impudence. C’est l’histoire d’une néoprof — la narratrice —, confiée en stage à un certain Loutrel, vieil enseignant de khâgne qui lui en fait voir de rudes — mais qui lui lèguera toutefois sa bibliothèque, à sa mort.
Dans le passage qui suit, elle assiste, fascinée et navrée, à une khôlle, comme on dit dans le langage des classes préparatoires de Lettres, qui pose des -kh- et des circonflexes un peu partout.


« La nuit tombe précocement, à la mi-janvier. Il devait être sept heures du soir, nous avions déjà assisté à quelques études non dénuées d’intérêt, mais sans relief particulier.
Le jeune homme qui se présenta avait tiré — quelle chance… — un poème de Valéry qui me sembla limpide, quoiqu’obscur. Valéry, hein… ! Intitulé « les Grenades », il était extrait de Charmes, le seul recueil en bonne et due forme du poète :

Dures grenades entr’ouvertes,
Cédant à l’excès de vos grains,
Je crois voir des fronts souverains
Éclatés de leurs découvertes !

Si les soleils par vous subis,
Ô grenades entre-bâillées,
Vous ont fait d’orgueil travaillées
Craquer les cloisons de rubis,

Et que si l’or sec de l’écorce
À la demande d’une force
Crève en gemmes rouges de jus,

Cette lumineuse rupture
Fait rêver une âme que j’eus
De sa secrète architecture.

Et l’impétrant s’en tira plutôt bien. Il fit un parallèle plein de sens entre l’âge de Valéry lorsqu’il écrivit le poème (la cinquantaine, ce qui en 1920 avait un autre sens qu’aujourd’hui) et ce fruit d’hiver qu’est la grenade. Il évoqua habilement les accusations toujours récurrentes, dès qu’il s’agit de Valéry, de préciosité et d’intellectualisme, et étudia en détail la forme exquise de ce petit sonnet d’octosyllabes quelque peu irrégulier.
Dehors, il ventait comme il vente à Marseille lorsque le mistral souffle. On entendait les rafales qui se déchiquetaient entre les arbres nus de la cour, juste en dessous de nous. Instinctivement, le jeune homme haussa la voix.
Je regardais Loutrel pendant l’exercice. Il avait comme d’habitude les yeux mi-clos, un matou sommeillant à l’ombre de la souris qu’il guette, ou l’iguane guettant l’arrivée de Darwin aux Galapagos. Il était somme toute inquiétant, mais le petit bonhomme en face ne se laissa pas démonter. En janvier, les élèves les moins bornés avaient depuis longtemps fait la part de ce qui était, chez leur professeur de Lettres, attitude et fond réel, cruauté pure et pédagogie suave — ou les deux simultanément
L’élève conclut finement, en rassemblant les divers fils tirés au fur et à mesure, pour présenter « les Grenades » comme l’art poétique d’un anti-lyrisme, et la grenade comme la métaphore de l’Intellect cédant à la force des Idées. Platonisme précieux qui ferait bondir un philosophe, mais qui passe assez bien en poésie. Il eut même l’habileté de construire un projet de pont entre ce petit bijou d’intellectualité pure et ce qui s’élaborait, au même moment, dans les crânes venteux des surréalistes, auxquels Valéry avait soufflé le titre de leur première revue, Littérature.
Puis il s’arrêta, au bout des vingt-cinq minutes réglementaires. Qu’il soit arrivé d’ailleurs à meubler agréablement 1500 secondes avec 112 syllabes était en soi une performance…

Loutrel relève la tête.
– Oui, dit-il. Il y a de l’idée.
Puis, comme dit Beckett : « Silence ». Il laisse le jeune homme macérer pendant dix interminables secondes.
« Mais, ajoute-t-il, je crois que l’on peut apporter à votre explication, tout à fait honorable, et qui vous vaudrait sans doute une note flatteuse au concours, quelques compléments significatifs. »
Il se lève, prend une craie comme on se saisit d’une cigarette (l’idée me vient soudain qu’il a peut-être fumé, jadis, tant la pose lui paraît familière) et reprend l’explication. Je me rappelle soudain une phrase prononcée un jour au-dessus d’un café (« le café, m’a-t-il expliqué, est ce qui a produit les Lumières — c’est du moins ce que pensait Michelet lu par Barthes »), pendant une récréation : « Nous sommes là pour apporter la valeur ajoutée. Les bons élèves comprennent assez vite ce qu’ils ont à faire pour avoir 12 — mais 12, ce n’est pas assez à l’oral de Normale Sup’, ni à l’écrit des IEP, que passent les moins patients. Nous, nous devons leur fournir de quoi passer de 12 à 16 — ou davantage. Un écart. Un pas de côté. Deux marches de plus. »

La valeur ajoutée — il consacra dix minutes tout au plus à cette reprise lumineuse de l’explication de l’étudiant — fut magistrale. Elle commença d’une façon assez abrupte.
– Bien sûr, dit-il, vous ne connaissez pas le provençal…
Ce n’était pas une question.
– En provençal, reprit-il, « grenade » se dit « mióugrano ». Oui, vous entendez bien, ça a à voir avec la migraine… La Mióugrano entreduberto, la Grenade entrouverte, expliqua-t-il, est un recueil de poèmes publié en 1860 par Théodore Aubanel, l’un des trois grands noms (avec Roumanille et Mistral) du Félibrige. Homme du Midi, où fleurit le grenadier, Valéry a pu rencontrer ces textes — ne serait-ce que l’avant-propos : « La mióugrano boudenflo tèn rejuncho tan que póu souto sa rusco si bèlli grano rouginello, si bèlli chato vergougnoso » — je vous traduis ? « La grenade gonflée tient renfermées, tant qu’elle peut, sous son écorce ses belles graines roses, ses belles filles pudibondes… » N’est-il pas remarquable qu’en provençal — la langue qui se parlait alors autour de Valéry à Sète ou à Marseille, où il résida —, la grenade soit la « mióugrano » — la migraine ? Le fruit en soi est une métaphore — celle de la tête prête à exploser. Et vice versa. Rien de surprenant de la part d’un homme qui a fait d’un certain « Monsieur Teste » son double intellectuel.
« Alors, cette grenade entr’ouverte… La migraine de Zeus, vous vous souvenez ? Traitée d’un coup de hache par Héphaïstos. Et du crâne fendu du dieu est sortie Athéna, la Pensée pure et armée. « Eclatés de leurs découvertes ! » Nous y voilà. »
Et il enchaîna avec une virtuosité étourdissante — reprenant l’explication très honorable du jeune homme pour en faire du petit bois, et rebâtir une lecture cohérente — comme avec des kaplas.
De la magie noire. »


Là s’arrête l’extrait de ce roman pédagogique — on juge assez que trois cents pages sur ce ton seraient insupportables.
Mais l’envie m’est venue d’aller un peu plus loin.
Dans Le Signe des quatre (1890), Watson, excédé, lance à Holmes : « Vous êtes vraiment un automate… une machine arithmétique. » Cette même année, le jeune Paul Valéry est introduit par Pierre Louÿs dans le cercle très étroit de ses amis symbolistes, Heredia, Mallarmé — et Gide, qui en était à sa période de mysticisme esthétique. Peu de temps après, comme en écho de ces soirées dignes de Des Esseintes, Valéry publie ce qui s’approche le plus d’un roman, dans son œuvre : Une soirée avec Monsieur Teste — autrement dit lui-même :

« M. Teste avait peut-être quarante ans. Sa parole était extraordinairement rapide, et sa voix sourde. Tout s’effaçait en lui, les yeux, les mains. Il avait pourtant les épaules militaires, et le pas d’une régularité qui étonnait. Quand il parlait, il ne levait jamais un bras ni un doigt : il avait tué la marionnette. »

Les grenades de Monsieur Teste sont-elles la bonne métaphore pour faire taire les gonades de Valéry ? Tuer la marionnette et tuer le désir. Ne laisser subsister que de rares mots choisis. Avancer dans un florilège. Faire cendre de tout bois.
Il est curieux que cette fin de siècle, dans des domaines fort divers, ait produit ce que la littérature a inventé de plus décharné, au sens propre du terme, et de plus essentiel : l’Idée ramenée à son squelette. Gautier s’y était essayé dans Emaux et camées — mais chez Gautier un excès de chair passe sans cesse au-dessus ou au-dessous de la ceinture, le ventre du viveur et la queue du vivant.

(Il me vient soudain à l’idée que c’est ce que l’on me reproche de plus en plus, depuis une dizaine d’années, dans mes travaux de critique littéraire — y compris de simples corrigés de dissertations. Une formulation abrupte, un style asyndétique où les exemples se font rares, partant de l’idée que le lecteur et moi avons les mêmes références et qu’il est bien inutile de les articuler. J’en suis là avec la dernière femme de ma vie, pour notre plus grand bonheur : nous parlons par lambeaux, que l’autre complète in petto, sans se soucier de les expliciter puisqu’ils vont de soi.)

Je me désole de ne pas avoir la capacité de produire quelques phrases exactes. Je n’en ai que l’intention.

« Les Grenades » appartiennent à la même mystique de l’Idée pure symbolisée jadis par la naissance d’Athéna : elle naît armée, le mythe nous épargne les vagissements de la Raison enfant : c’est que la Raison n’a pas d’enfance, elle est adulte de toute éternité. Il a fallu attendre Rousseau — Rousseau ! — pour que l’enfant commence à exister et à dévorer le champ du discours en le renvoyant au B-A-BA, au babil et au bafouillement. Le stupide XIXe s’est engouffré dans ces borborygmes devant lesquels des parents niais s’extasient.
En réaction aux déluges romantiques qui noyaient l’intellect depuis un siècle, ces littérateurs fin de siècle reconstruisent la citadelle littéraire inexpugnable de l’Intelligence divorcée du vivant. C’est à cet exercice que s’amusa Valéry, sa vie durant, en se levant vers 4 heures du matin pour écrire, deux ou trois heures de rang, ce qui deviendra les Cahiers, exercices mathématiques et d’analyse logique. Car, comme il le disait dans « Ebauche d’un serpent » (Charmes, toujours), « l’univers n’est qu’un défaut / Dans la pureté du Non-Être ! »
Seule anicroche dans cette ascèse impeccable, l’ombre de la femme. Pendant la rédaction de Charmes, Valéry entretient une relation enflammée avec Catherine Pozzi — et il trahira, par sa rentrée dans le monde des hommes et des pince-fesses, l’ambition très haute de fusion intellectuelle et charnelle qu’avait élaborée la jeune femme. L’intellect a cédé la place aux honneurs et à l’Académie française, la grenade s’est refermée, gardant pour elle les soleils prisonniers. Et les maux de tête. Valéry n’a plus écrit de vers. Tout juste des discours de remise des prix. Vainement brillants. (1)

Jean-Paul Brighelli

(1) Je suis de mauvaise foi. Les essais de Valéry sont bien au-dessus des hommes de son temps — et du nôtre. Mention spéciale pour le discours prononcé à la mort de Bergson, devant des Agagadémiciens pétrifiés que l’un des leurs ose, en janvier 1941, faire à voix haute et en public l’éloge d’un Juif.


Jacques Linard (1600-1645), Panier de grenades, pêches et raisins, c. 1643

52 commentaires

  1. Texte à tiroirs, extraordinairement intéressant (je pèse mes mots), avec un côté « poupées russes » qui plonge le lecteur dans une mise en abyme de réflexions. Ce texte mériterait un commentaire détaillé ! (🙂) Mais, effet miroir suprême, il est déjà à lui-même son propre commentaire.

    Point de détail : « babil et au bafouillement (…) ces borborygmes devant lesquels des parents niais s’extasient. »
    Non, non et non. Ce babil, ce bafouillement, ces borborygmes, sont au contraire d’un puissant intérêt (et les psycholinguistes s’y intéressent de très près) : étape intermédiaire entre le silence et le langage articulé, tout comme les « Zut!Zut!Zut!Zut » du jeune Marcel devant la mare de Montjouvain sont l’étape intermédiaire entre son silence dans l’allée d’aubépines et le passage au langage articulé/récit construit de la vision des clochers de Martinville en mouvement.
    Le babil des très jeunes, c’est le « Zut Zut Zut » du jeune Marcel : du langage – et donc de la Littérature – en devenir.

    • [« Texte à tiroirs, extraordinairement intéressant (je pèse mes mots), avec un côté « poupées russes » qui plonge le lecteur dans une mise en abyme de réflexions. Ce texte mériterait un commentaire détaillé ! (🙂) Mais, effet miroir suprême, il est déjà à lui-même son propre commentaire. »
      Oui ; brillantissime – et il me faudra à mois plus qu’une relecture.]

  2. Peut – être tenterai- je d’autres remarques  » de fond », mais je me souviens que nous avons déjà rencontré la narratrice ( prof débutante ) et Loutrel, celui qui sait tout, il y a quelques mois.
    Il serait tout a fait intéressant que JPB tente de publier ce roman inachevé et laissé de côté.
    Pour camoufler l’aspect de roman à thèse et de pamphlet , il serait intéressant d’y insérer une intrigue criminelle, quelque chose comme Le nom de la rose au lycée Thiers.

    • nous avons déjà rencontré la narratrice ( prof débutante ) Loutrel, celui qui sait tout, il y a quelques mois.

      Elle se préparait à faire un cours sur Molière n’est-ce pas ?

  3. « Le babil des très jeunes, c’est le « Zut Zut Zut » du jeune Marcel : du langage – et donc de la Littérature – en devenir. »

    Un évènement aussi rare que la formation d’une cabane en bois de bon aloi issue du lancer d’un bâton de dynamite dans un tas de bois benné au sol

  4. ce qui deviendra les Cahiers, exercices mathématiques et d’analyse logique.

    Euh!

    Les Cahiers,j’y crus…et puis j’y suis allé voir…

    Une chose estcertaine:ce ne sont PAS des « exercices mathématiques ».

  5. ECHO 2 août 2025 à 11h12

    Il serait tout a fait intéressant que JPB tente de publier ce roman inachevé et laissé de côté.
    ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

    Inachevé ?

    « J’ai dans mes archives un roman « pédagogique » absolument fini… »

    • C’est vrai, je n’ai pas relu ( un tort). Mais j’étais resté sous l’impression, lors de la publication.du chap. 1, ( là où il est question de Molière ) que JPB avait indiqué n’avoir pas poursuivi l’écriture au- delà des premiers chapitres (?).

  6. Josip Gavrilovic 2 août 2025 à 10h42
    Texte à tiroirs… avec un côté « poupées russes » …une mise en abyme

    Faudrait savoir.

      • si c’est des poupées russes ou un meuble à tiroirs…passque c’est pas pareil.Et une mise en abyme, c’est encore une autre marmite de poissons.

        • Lormier chipote sur des micro-détails, incapable de repérer le concept unificateur : i.e. insertion d’un texte dans un autre texte qui provoque un peu le même effet que deux miroirs face à face reproduisant la même image à l’infini.
          Straight to the point, Lormier, straight to the point, please !

          • Notre désaccord est profond et demeurera (à moins que vous ne vous amendiez-ce qui est toujours possible): on ne mélange pas les images. Chosissez en une, et tenez vous en à cette image.
            Et j’ai bien dit « image ».

  7. rebâtir une lecture cohérente — comme avec des kaplas.

    kapals ? Un mot que Lormier rencontre pour la première fois.

    Est-ce ceci ?

    KAbouter PLAnkje : « planchette de lutin » en néerlandais.

  8. J’ai dans mes archives un roman « pédagogique » absolument fini que l’on m’a déconseillé de proposer à qui que ce soit, tant, paraît-il, le mépris y affleure partout — et que l’aspect réactionnaire de ma pédagogie s’y étale avec impudence.

    Et pourtant, le Maestro tenta le coup:

    C’est le tout premier chapitre d’un roman « pédagogique » écrit il y a quelques années et que je viens d’envoyer à un éditeur — sans illusions particulières.

    Relisez le premier chapitre…Vous verrez que ce n’est pas seulement la « pédagogie réactionnaire » qui fait hésiter les éditeurs…

    • Oui, je m’étais trompé, je me souvenais vaguement de l’expression  » tout premier chapitre  » et j’avais retenu a tort que JPB n’était pas allé au- delà du ou des premiers chapitres

  9. Récemment,on reconstituait un puzzle;maintenant,c’est du Kapla ,du tri-dimensionnel donc mais sans doute une moins grande varité dans la découpe.

    Teste…testicule ? « Ca va p’tite tête ?  » Voilà une expression qu’utilisaient les pères, dans les années 20 ou 30, pour s’adresser au fiston.

  10. « Le jeune homme qui se présenta avait tiré — quelle chance… — un poème de Valéry … »

    Pratique particulière.

    En général, les professeurs de khâgne imposent le texte,en khôlle…sauf peut-être en fin d’année, pour faire comme au concours. (Mais là,on est en janvier.)

  11. A vérifier:à l’oral de Saint-Cloud (Décaudin était l’un des examinateurs) le Maestro était tombé sur Valéry et ça s’était fort bien passé.

  12. Pour information :
    Tout en s’amusant à découvrir ses potentialités, le bébé joue avec sa voix et s’approprie peu à peu son appareil phonatoire. On sait par exemple que vers deux mois le nourrisson a acquis les voyelles a et e. On sait d’autre part que les bébés sourds expérimentent le même genre de sons jusqu’à l’âge de quatre ou cinq mois.
    Pour les bébés entendants, suite aux gazouillis « primitifs » vient l’étape pré-linguistique du babil. S’ils peuvent hurler ou, plus rare, murmurer, les bébés s’exercent à des effets de contraste sur la hauteur des sons qui peuvent être graves ou très aigus, voire stridents diraient les parents épuisés !
    Les spécialistes nomment ce babil du bébé âgé entre quatre et six mois « babillage rudimentaire ». Outre le plaisir de la découverte, le bébé utilise ses émissions vocales pour attirer l’attention de son entourage et vers cinq mois il prononce le fameux « ah reuh… ». Puis, lorsque le bébé maîtrise et parvient à contrôler ses productions vocales,  vers l’âge de six mois environ, son babillage est alors dit « canonique ». C’est le moment où il associe consonne-voyelle pour produire des syllabes simples qu’il peut répéter à l’envie : suites de /ba/, de /da/, de /ma/…
    Si les premiers mots tant attendus de l’enfant apparaissent vers ses dix ou douze mois , on voit que le bébé reste très actif avant de réussir à les prononcer car cet apprentissage dépend de son développement physiologique. Babiller permet aux tout-petits d’explorer et de jouer avec la gamme de leurs propres sons et représente une étape sensorimotrice essentielle dans l’acquisition du langage.

    Évidemment, le babil est phonétiquement et phonologiquement conditionné par la langue dont le bébé est environné, i.e. la langue de ses parents (à condition évidemment que les parents parlent à leur bébé. Il arrive que ça ne soit pas le cas…) Le babil d’un enfant chinois sera donc assez sensiblement différent du babil d’un enfant arabe, lui-même différent du babil d’un enfant croate etc.

  13. Quand le f(antôme) a parlé, JPB courbe l’échine et tourne immédiatement… la page, pour le plus grand bonheur de certains,

    qui se mettent à roucouler * (le nom de Barthes y apparaît), et permet le retour de formules savantes, et même une en latin ; ça change de l’anglais.

    ça change aussi de « tout le tralala » précédemment évoqué – lingerie, guêpières, épousailles et autres fadaises, dignes de petits bourgeois… en devenir, ou pas.

    * mais pas au grand duché (minuscules) du Luxembourg :
    certains se sont offusqués de la quasi « absence de Bettel dans un documentaire » – 10 ans Prem’ et toujours le Xav’ de son Gauthier –
    ce qui « poserait question » ;
    documentaire con (et comment)-sacré aux 25 ans de règne du couple grand-ducal et financé par le gouvernement.
    Lequel s’est empressé de créer un « grand projet » dit « la maison du grand duc » pour « éviter » à l’avenir pareille bévue.

    Dixit ma sœur: « Du rififi au château… on a les Clochemerle qu’on peut… »
    Je rajoute, à propos de grand-duc, après consultation wikipédik :
    « il est en effet possible que les aigrettes proéminentes de cet hibou aient été rapprochées de la couronne ducale. » 

    • Bettel. Gauthier. Il a fallu que j’aille consulter wiki pour savoir de qui on parlait …
      Coïncidence très faiblement amusante, j’étais à Luxembourg le jour du mariage de l’alors Premier ministre – pas parmi les invités. Et je reconnus parmi les anonymes traversant la grande place en bordure de lasuelle se trouvent des cafés et restaurants ( le nom m’échappe), où se trouve aussi la statue équestre d’un grand duc d’autrefois, Stéphane Bern, venu lui comme invité au mariage des deux Hären ( messieurs en luxembourgeois).

  14. Josip Gavrilovic 2 août 2025 à 10h42
    « il est déjà à lui-même son propre commentaire. »

    En ce cas,pas la peine de commenter? A moins que,plus malin que tous, un savant veuille commenter le commentaire ?

    Mais peut-être n’y a-t-il pas en fait de « miroir suprême  » ?

    Josip Gavrilovic 2 août 2025 à 12h02
    un peu le même effet que deux miroirs face à face reproduisant la même image à l’infini.

    …de plus en plus petite…

    Si ça part à l’infini,on est mal.

    Un meuble à tiroirs n’a qu’un nombre fini de tiroirs;dans une poupée russe,il y a un nombre fini de poupées,de la plus petite à la plus grande.

    Mais un commentaire de commentaire de commentaire etc. ça peut séduire les cuistres qui rajouteront des références à chaque étape et se soucient comme d’une guigne de ce que leur propos ait un sens quelconque.

    • Lormier refuse obstinément d’admettre l’existence d’un concept unificateur qui gouverne « texte à tiroirs »/ »poupées russes »/ »mise en abyme ».
      Et encore, il devrait s’estimer heureux, je n’ai pas fait mention du genre musical de la Fugue. J’aurais pu.

      Il est comme ça, Lormier, personne ne pourra le changer. Il privilégiera toujours l’observation du micro-détail au détriment de la vue d’ensemble. S’il devait commenter « Le Radeau de la Méduse », sa première (et peut-être seule) remarque serait que les pieds sont mal peints.
      Sur un champ de bataille, il aurait fait un piètre stratège.

      • Allons, allons, ne vous faites pas plus bête que vous n’êtes; vous ne savez pas ce que c’est qu’un concept,soit. Mais quand même…

        • La faiblesse et l’inanité de l’argument sont stupéfiantes.
          Lormier, que l’on sait cultivé et loin d’être sot, peut se montrer d’une imbécilité foudroyante.

  15. Citons le « roman pédagogique ».

    Pédagogie réactionnaire qui fit fuir les éditeurs ?

    « Alors mes deux Cinquième sont très colorées. J’ai même quelques primo-arrivants débarqués de Syrie ou du Mali, et qui parlent à peine le français. On les a inscrits là parce qu’ils ont l’âge. Ils doivent avoir bien davantage. Mamadou, je suis sûre qu’il a près de 16 ans. Et il sème déjà la terreur.
    Les filles sont à l’avenant. La plupart, en Cinquième, ont plus de roploplos que moi ! C’est ce qui a incité les garçons à se regrouper entre eux, sur la gauche, et à laisser les filles à droite. Sur le coup, j’ai pas compris pourquoi. C’est une collègue très gentille qui m’a expliqué. « C’est au cas où elles seraient réglées… Les garçons musulmans pensent qu’elles sont impures… Alors ils évitent de les toucher. Ne t’avise pas d’en effleurer un ! »
    – Mais il y a là-dedans des vraies petites filles ! Et quelques garçons non Musulmans !
    – N’importe… C’est la fatalité du féminin. Et les garçons non-musulmans sont incités à se comporter comme les autres. Tu verras, ils les obligent en douce à faire le ramadan — tu verras en mai prochain ! Et à la cantine, ils ne mangent pas de viande, de peur qu’elle ne soit pas halal. Ni de légumes, s’ils pensent qu’ils ont touché un viande impure.
    Le fait est que nombre de mes élèves, et parmi les moins formées, se voilent dès qu’elles ressortent du lycée. « 

    • Donc la narratrice est prof de 5eme dans un lycée avec des classes très colorées ( mais néanmoins doté de classes préparatoires).
      Puis elle se retrouve, à un moment du roman, assistant à une khôlle de Loutrel qui , bien que prof de khâgne, est son maître de stage.
      Est- ce courant ?

      • Non ,ce n’est pas courant;il faudrait avoir la totalité du roman pour savoir;
        avec les éléments dont je dispose (premier chapitre) j’ai cru comprendre que la tutrice officielle de JC est durablement malade et pas remplacée. Loutrel pourrait être un « tuteur » offficieux qui la seconde et la guide…puis l’amène dans son plumard; à la fin, il lui lègue sa bibliothèque.
        Voyez comment dans le premier chapitre elle le perçoit:
        « Mais je l’emmerde, moi, ce Loutrel ! »

        https://blog.causeur.fr/bonnetdane/premier-chapitre-1-5132

  16.  » La plupart, en Cinquième, ont plus de roploplos que moi ! »

    Quand le personnage de Jennifer Cagole apparut ici,il nous fut précisé que,cherchant un emploi, JC dut vite renoncer à celui d’éboueuse à Marseille,à cause de la mainmise de FO sur la profession;quant à la prostitution, les nibards étaient beaucoup trop petits.

    Donc le fait que des élèves de 5ème (qui ont l’âge d’élèves de 1ère) aient de plus fgros lolos que Jennifer n’a rien d’extraordinaire;

    (Prochainement:échantillons de nibards.)

    • En attendant les échantillons de nibards ( taille classe de 5 ème avancée ?), une réminiscence. La prédominance de FO sur les services municipaux a Marseille ( sans doute moindre que ce qu’elle fut?) aurait été bâtie à la fin des années 40 – début des années 50, avec l’aide d »un organisme américain style CIA pour faire pièce a l’influence de la CGT. Il y avait a ce moment un climat de quasi guerre civile Marseille ( et pas qu’Marseille) . La CGT montrait son pouvoir par exemple en empêchant l’embarquement des munitions a destination de l’Indochine étant majoritaire sinon hégémonique dans le syndicat des dockers.
      Cet épisode fournit le cadre d’un film de l’époque d’un réalisateur communiste , Paul Carpita, Le Rendez vous des quais, longtemps censuré ( jusqu’à la fin des années 80).

  17. Début de citation :
    « C’est ce que l’on me reproche de plus en plus, depuis une dizaine d’années, dans mes travaux de critique littéraire . (…) Une formulation abrupte, un style asyndétique (…) partant de l’idée que le lecteur et moi avons les mêmes références et qu’il est bien inutile de les articuler. »

    NDLR :
    Puis…
    (blanc dans la disposition graphique du texte/silence)
    Puis…

    « Je me désole de ne pas avoir la capacité de produire quelques phrases exactes. Je n’en ai que l’intention. »
    NDLR :
    Puis…
    (blanc dans la disposition graphique du texte/silence)
    (Fin de citation)

    La façon dont Brighelli, entre deux blancs/silences, met en évidence et en valeur l’écart entre son intention et sa capacité à la concrétiser par des mots, n’est pas sans rappeler ce qui nous occupe depuis quelques jours, n’est-ce pas ?
    Lormier, quand vous lisez cette phrase…
    « Je me désole de ne pas avoir la capacité de produire quelques phrases exactes. Je n’en ai que l’intention. »,
    …le rapprochement (rapprochement, pas mise en parallèle ni comparaison !) avec Proust * vous paraît-il toujours aussi capillotracté?
    Pour ma part je constate que d’une façon ou d’une autre, par mille contours, retours et détours, Brighelli écrivain évoque toujours la difficulté à dire, la difficulté à utiliser à plein les pouvoirs de l’écriture.

    * Proust est perpétuellement à la recherche (pun intended) de la formulation qui va en quelque sorte rendre palpables ses sensations. Dans un contexte différent, Brighelli ne cesse de se rapprocher de cette préoccupation. Il fait le pari que son lecteur le comprendra, le dispensant ainsi de l’obligation de précision et d’exactitude. Mais simultanément il se désole de ne pas avoir la capacité d’assumer cette obligation.

    NDLR : je n’invente rien, je ne divague point. Tout est dans le texte, sous nos yeux.

    • « Je me désole de ne pas avoir la capacité de produire quelques phrases exactes. Je n’en ai que l’intention. »

      Cette phrase,évidemment, m’a beaucoup intrigué;je me promettais d’y réfléchir.

      Le rapport avec Proust m’échappe. (D’ailleurs, Proust, lui ne « produit » que des « phrases exactes ». C’est le summum de la langue classique, l’auteur français le plus facile à lire,car tout est expliqué, explicité;la méthode de lecture est fournie avec le texte qui est son propre commentaire; il suffit de lire tous les mots,fastoche !

      • Lormier :
        « Le rapport avec Proust m’échappe. D’ailleurs, Proust, lui ne « produit » que des « phrases exactes ».

        Je vois bien que vous ne voyez pas le rapport que je vois.
        Vous en explicitez d’ailleurs vous-même les raisons en disant que Proust ne produit que des phrases exactes. Formulation qui le semble inexacte.
        La formulation exacte serait, selon moi : « Après bien des ratés, bien des intentions non suivies d’effet, bien des essais infructueux, bien des silences frustrés là où il aurait voulu trouver le moyen d’expression adéquat, Proust FINIT PAR produire des « phrases exactes », i.e. des phrases qui sont le reflet du projet proustien. Il y parvient enfin, à la fin des fins. Mais ça n’a pas été sans mal.
        Ces difficultés, Brighelli écrivain les éprouve aussi. Il nous le dit noir sur blanc : « Je me désole de ne pas avoir la capacité de produire quelques phrases exactes. Je n’en ai que l’intention. »

        Quelque chose me dit que je ne vous convaincra pas. Pourtant tout est là sous vos yeux…

  18. J’en suis là avec la dernière femme de ma vie, pour notre plus grand bonheur : nous parlons par lambeaux, que l’autre complète in petto, sans se soucier de les expliciter puisqu’ils vont de soi.)

    Oui, ça se faisait déjà avec les autres,au plumard,après le coït. Et hop, un début de citation de Sade;fallait que la meuf complète illico…sinon la porte. Sade, Laclos,ou un autre.

  19. la dernière femme de ma vie

    En anglais, « dernier » peut se traduire par « last » ou par « latest »;pas le même sens.

  20. Lormier (14h32) : court retour au « tralala », en commençant par… le collège ?

    La Littérature (majuscule et ses mots) n’est pas la réponse à tous les maux ; mais quand même.
    Ainsi me dis-je après avoir lu les (dits) polars, pas mal écrits, de S.A. Cosby, :
    un (corpulent) nigger « originaire du sud-est de la Virginie, ayant grandi dans une caravane ».
    D’une famille très pauvre, et donc dans l’impossibilité de poursuivre des études,
    « mais n’ayant cessé de lire et de s’instruire pas ses propres moyens. »

    « Il considère d’ailleurs que la littérature l’a ‘sauvé’ ».

    En exergue, une fois, Joseph Conrad :
    « The belief in a supernatural source of evil is not necessary; men alone are quite capable of every wickedness ».

    Une autre fois, Shakespeare (Henry VIII) :
    « My drops of tears I’ll turn to sparks of fire ».

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